J'ai retrouvé ( bien sûr il y en a qui ne vont pas me croire, comme si j'avais l'habitude de mentir ) un brouillon manuscrit du Médecin malgré Louis de Jean-Baptiste P.....
ACTEURS
EMMANUEL Souverain despote
Mme MOUTON Sujet d'EMMANUEL
Mr. DUPONT Adversaire ou Prétendant à un poste à la cour
ACTE I, SCÈNE PREMIÈRE EMMANUEL et Mme MOUTON, en se querellent.
EMMANUEL Non je te dis que je n’en veux rien faire ; et que c’est à moi de parler et d’être le maître.
Mme MOUTON Et je te dis moi, que je veux que tu vives un peu à ma fantaisie : et que je ne n'ai point voté pour toi, pour souffrir tes fredaines.
EMMANUEL Ô la grande fatigue que d’avoir un serf : et qu’Aristote a bien raison, quand il dit qu’un serf est pire qu’un démon !
Mme MOUTON Voyez un peu l’habile homme, avec son benêt d’Aristote.
EMMANUEL Oui, habile homme, trouve moi un faiseur de ragots, qui sache, comme moi, raisonner des choses,qui ait servi six ans un fameux banquier, et qui ait connuu dans son jeune âge, sa prof par cœur.
Mme MOUTON Peste du fou fieffé.
EMMANUEL Peste de la carogne.
Mme MOUTON Que maudit soit l’heure et le jour, où je m’avisai d’aller voter.
EMMANUEL Que maudit soit le bec cornu qui m'empêcha de supprimer le vote.
Mme MOUTON C’est bien à toi, vraiment, à te plaindre de cette affaire : devrais tu être un seul moment, sans rendre grâces au Ciel de m’avoir pour électrice et méritais tu de garder une personne comme moi ?
EMMANUEL Il est vrai que tu me fis trop d’honneur : et que j’eus lieu de me louer de ton vote. Hé ! morbleu, ne me fais point parler là dessus, je dirais de certaines choses...
Mme MOUTON Quoi ? que dirais tu ?
EMMANUEL Baste , laissons là ce chapitre, il suffit que nous savons ce que nous savons : et que tu fus bien heureux de me trouver.
Mme MOUTON Qu’appelles tu bien heureux de te trouver ? Un homme qui réduit l’hôpital, un débauché, un traître qui me mange tout ce que j’ai ?
EMMANUEL Tu as menti, j’en bois une partie.
Mme MOUTON Qui me fait vendre, pièce à pièce, tout ce qui est dans le logis.
EMMANUEL C’est vivre à l' Elysée .
Mme MOUTON Qui m’a ôté jusqu’au lit que j’avais.
EMMANUEL Tu t’en lèveras plus matin.
Mme MOUTON Enfin qui ne laisse aucun meuble dans toute la maison.
EMMANUEL On en déménage plus aisément.
Mme MOUTON Et qui du matin jusqu’au soir, ne fait que jouer, et que mentir.
EMMANUEL C’est pour ne me point ennuyer.
Mme MOUTON Et que veux tu pendant ce temps, que je fasse avec ma famille ?
EMMANUEL Tout ce qu’il te plaira.
Mme MOUTON J’ai quatre pauvres petits enfants sur les bras.
EMMANUEL Mets les à terre
Mme MOUTON Qui me demandent à toute heure, du pain.
EMMANUEL Donne leur le fouet et traverse la rue pour trouver comment les nourrir.
Mme MOUTON Et tu prétends ivrogne, que les choses aillent toujours de même ?
EMMANUEL Allons, allons Mouton, tout doucement, s’il vous plaît.
Mme MOUTON Que j’endure éternellement, tes insolences, et ton mépris ?
EMMANUEL Ne nous emportons point
Mme MOUTON Et que je ne sache pas trouver le moyen de te ranger à ton devoir ?
EMMANUEL Mouton , vous savez que je n’ai pas l’âme endurante : et que j’ai le bras assez bon.
Mme MOUTON Je me moque de tes menaces.
EMMANUEL Mon amie, votre peau vous démange, à votre ordinaire.
Mme MOUTON Je te montrerai bien que je ne te crains nullement.
EMMANUEL Mouton , vous avez envie de me dérober quelque chose ?
Mme MOUTON Crois tu que je m’épouvante de tes paroles ?
EMMANUEL Doux objet de mes vœux, je vous frotterai les oreilles.
Mme MOUTON Imbu que tu es.
EMMANUEL Je vous battrai.
Mme MOUTON Arriviste
EMMANUEL Je vous rosserai.
Mme MOUTON Infâme.
EMMANUEL Je vous étrillerai.
Mme MOUTON Traître, insolent, trompeur, lâche, coquin, pendard, belître, fripon, maraud, voleur... !
EMMANUEL Il prend un bâton, et lui en donne. Ah ! vous en voulez, donc.
Mme MOUTON Ah, ah, ah, ah.
EMMANUEL Voilà le vrai moyen de vous apaiser.
ACTE I SCÈNE II Mr. DUPONT, EMMANUEL, Mme MOUTON.
Mr. DUPONT Holà, holà, holà, fi, qu’est ce ci ? Quelle infamie, peste soit le coquin, de battre ainsi son esclave.
Mme MOUTON(les mains sur les côtés, lui parle en le faisant reculer, et à la fin, lui donne un soufflet
Mme MOUTON Et je veux qu’il me batte, moi."
Mr. DUPONT Ah ! j’y consens de tout mon cœur.
Mme MOUTON De quoi vous mêlez vous ?
Mr. DUPONT J’ai tort.
Mme MOUTON Est ce là votre affaire ?
Mr. DUPONT Vous avez raison.
Mme MOUTON Voyez un peu cet impertinent, qui veut empêcher un élu de rosser son
Mr. DUPONT Je me rétracte.
Mme MOUTON Qu’avez vous à voir là dessus ?
Mr. DUPONT Rien.
Mme MOUTON Est ce à vous, d’y mettre le nez ?
Mr. DUPONT Non.
Mme MOUTON Mêlez vous de vos affaires.
Mr. DUPONT Je ne dis plus mot.
Mme MOUTON Il me plaît d’être battue.
Mr. DUPONT D’accord.
Mme MOUTON Ce n’est pas à vos dépens.
Mr. DUPONT Il est vrai.
Mme MOUTON Et vous êtes un sot, de venir vous fourrer où vous n’avez que faire
Mr. DUPONT (Il passe ensuite vers Emmanuel, qui, pareillement, lui parle toujours, en le faisant reculer, le frappe avec le même bâton, et le met en fuite, il dit à la fin)
Compère, je vous demande pardon de tout mon cœur, faites, rossez, battez, comme il faut, vos moutons, je vous aiderai si vous le voulez.
EMMANUEL Il ne me plaît pas, moi.
Mr. DUPONT Ah ! c’est une autre chose.
EMMANUEL Je les veux battre, si je le veux : et ne les veux pas battre, si je ne le veux pas.
Mr. DUPONT Fort bien.
EMMANUEL Ce sont mes moutons, et non pas les vôtres.
Mr. DUPONT Sans doute.
EMMANUEL Vous n’avez rien à me commander.
Mr. DUPONT D’accord.
EMMANUEL Je n’ai que faire de votre aide.
Mr. DUPONT Très volontiers.
EMMANUEL "Et vous êtes un impertinent, de vous ingérer des affaires d’autrui : apprenez que Cicéron dit , qu’entre l’arbre et le doigt, il ne faut point mettre l’écorce .
(Ensuite il revient vers Mme Mouton, et lui dit, en lui pressant la main
Ô çà faisons la paix nous deux. Touche là ."
Mme MOUTON Oui ! après m’avoir ainsi battue !
EMMANUEL Cela n’est rien, touche.
Mme MOUTON Je ne veux pas.
EMMANUEL Eh !
Mme MOUTON Non
EMMANUEL Mon mouton !
Mme MOUTON Point.
EMMANUEL Allons, te dis je.
Mme MOUTON Je n’en ferai rien.
EMMANUEL Viens, viens, viens.
Mme MOUTON Non, je veux être en colère.
EMMANUEL Fi, c’est une bagatelle, allons, allons.
Mme MOUTON Laisse moi là.
EMMANUEL Touche, te dis je.
Mme MOUTON Tu m’as trop maltraité.
EMMANUEL Eh bien va, je te demande pardon, mets là, ta main.
Mme MOUTON "Elle dit le reste bas.
Je te pardonne, mais tu le payeras."
EMMANUEL Tu es une folle, de prendre garde à cela. Ce sont petites choses qui sont, de temps en temps, nécessaires dans la souveraineté: et cinq ou six coups de bâton, entre gens qui s’estiment, ne font que ragaillardir l’affection
.
Va je m’en vais aux Bahamas, quelques jours avec mon mentor, le temps de vos grêves, et je te promets, au retour, plus d’un cent coups de fouet."